Eric Alexandrakis se fait connaître dans le monde du cinéma et de la télévision en tant que maître du son pour son approche unique de la musique de film. Avec une nouvelle nomination aux GRAMMY® 2019 pour le meilleur album de créations orales (I.V. Catatonia :20 Years as a Two-Time Cancer Survivor), son approche innovante de la musique suscite beaucoup d'attention.
Alexandrakis n'est pas un nouveau venu. Son film "Psychogenic Fugue" avec John Malkovich, réalisé par Sandro Miller a fait la liste des finalistes des Lions de Cannes en 2017. Psychogenic Fugue (2017) a également ouvert le Festival Internacional de Cine de Cartagena en novembre et prend le monde d'assaut. Il y a un attrait visuel indéniable pour les différentes itérations de Malkovich des personnages de Lynch.
Imitation, recréation ou commentaire ?
Il est fascinant de voir Malkovich entrer de manière transparente dans tant de personnalités contre la partition d'Eric Alexandrakis, qui ponctue les hauts et les bas de chaque scène. Ensemble, le film soulève la question :l'imitation est-elle vraiment la plus haute forme de flatterie ?
Dans une première vignette, Malkovich apparaît se balançant sur scène dans une robe blanche et une prothèse faciale. Le paysage sonore évoque les souvenirs d'un carnaval, puis s'assombrit, alors que le vibrato d'un orgue à tuyaux s'amplifie - ressemblant beaucoup à un service funèbre. Malkovich commence à synchroniser les lèvres "au paradis, tout va bien » (Alan Spiet, 1977). C'est une recréation troublante de Lady in the Radiator, mais c'est censé être. Ce n'est pas un film de bien-être, mais c'est quand même génial.
Comme l'original, la scène est tournée en noir et blanc. Les caractéristiques déterminantes sont presque identiques, jusqu'à la ceinture florale perchée sur le côté gauche de la robe de Malkovich. En fait, le seul changement notable est la voix du chanteur. Dans l'ancienne version, elle avait une légère voix traînante du sud, mais en suivant l'air du temps, c'est parti maintenant. Elle ressemble un peu à Halsey.
La Dame dans le radiateur chante sur le paradis, mais les téléspectateurs qui ne connaissent pas le travail de Lynch ne peuvent s'empêcher de se demander si elle est réellement en enfer. C'est de la poussière de radiateur qui a durci sur son visage ? Peut-être que le paradis n'est qu'un état d'esprit où rien ne vous dérange ? Pourtant, si les choses qui devraient vous déranger ne le font pas, n'est-ce pas une sorte d'enfer ?
Transcendance et post-surréalisme
John Malkovich est à la fois troublant et calculé dans son génie. Le film a des qualités transcendantes, qui vont bien au-delà du domaine de l'art de la performance et bien dans la métaphysique. Semblable à une grande partie de l'accent personnel de David Lynch sur la méditation transcendantale, le spectateur est obligé de remettre en question la réalité représentée à l'écran dans le contexte de sa propre vie. Eric Alexandrakis le fait avec le son.
Alors que certains pourraient décrire les films de Lynch comme surréalistes, ils utilisent également une bonne dose de post-surréalisme. On peut soutenir qu'il existe une large représentation de ce que la plupart des critiques de cinéma et d'art appellent l'inconscient (Voorhies, 2004). Lynch et Alexandrakis créent l'émerveillement et explorent l'analogie, et rendent ainsi le spectateur conscient de sa propre déconstruction du processus de visualisation. L'émerveillement est une caractéristique déterminante du post-surréalisme, selon Helen Lundeberg et Lorser Feitelson (Kinkel, 2019).
David Lynch utilise sans doute ces dispositifs d'abord longuement discutés par Helen Lundeberg. Plus précisément, Lynch et Alexandrakis s'inspirent de ce que l'on appelle souvent dans la littérature artistique le nouveau classicisme (Fort, 2017). L'esthétique de Lynch attire sans aucun doute l'attention sur l'expérience analogique des spectateurs ainsi que sur la séquence dans laquelle les images sont présentées. Plus important encore, les films de Lynch obligent le spectateur à confronter simultanément le conceptuel et le perceptif. D'une manière ou d'une autre, Alexandrakis parvient à le faire avec le son.
À juste titre, Psychogenic Fugue (2017) a été créé pour soutenir la Fondation David Lynch. Cela rend le spectateur émerveillé à travers des nuances cinématographiques subtiles et directes. Derrière cette nouvelle œuvre, à la base, se cache l'utilisation du film comme outil de transcendance :le film imitant le film. En fait, Psychogenic Fugue (2017) a commencé à bien des égards comme une réexploration (ou réinvention) de l'Allégorie de la caverne de Platon.
C'est sans surprise qu'Eric Alexandrakis serait attaché à ce projet avant-gardiste. En 2018, Alexandrakis co-écrivant avec Pennan Brae, est devenu un lauréat du prix d'or au Queen Palm International Film Festival. En 2019, il a décroché une nomination pour la meilleure chanson au Solaris Film Festival. Pourtant, en ce qui concerne le succès de Psychogenic Fugue (2017), l'élan d'Alexandrakis semble être une combinaison d'une préparation formidable, d'une planification méticuleuse, d'un talent profond et d'une capacité à vraiment prendre son environnement à un niveau que beaucoup de gens font. ne pas.
Faire l'homme derrière le film
Une grande partie de la vie d'Eric se lit comme une ligne de journal vers un film populaire. Son grand-père a été tué par les nazis et son père a fondé l'Université de Crète. Eric a combattu Hodgkins deux fois, il sait donc ce que c'est que de tout mettre en jeu. Ses chansons sont parfois réfléchies, abstraites et narratives. Son travail est comme un tableau audible.
I.V. Catatonie :20 ans en tant que survivant d'un cancer à deux reprises , pour lequel Alexandrakis a reçu une nomination aux GRAMMY® 2019, n'est pas nécessairement édifiant (bien qu'il en ait l'intention). Le paysage sonore est rempli d'éléments qui évoquent des émotions viscérales, colorées et souvent désagréables. Pourtant, rien dans le projet n'est sans inspiration ou banal. Dans Psychogenic Fugue (2017), Alexandrakis utilise le médium du son pour amplifier les vérités qui se trouvent au-delà des éléments illusoires du film.
Eric contre Hodgkins
Alexandrakis mentionne, en se remémorant sa première bataille contre le cancer, que même s'il n'avait pas de douleur, au départ, il n'avait pas non plus d'assurance maladie. Ainsi, l'album aborde également des questions socialement pertinentes.
Le traitement d'Eric a été ponctué par l'amour et l'attention de sa famille et de ses amis. Cependant, note-t-il, « mon plus grand compagnon était la musique… en particulier l'enregistreur 4 pistes sur lequel j'enregistrais la musique. Je n'ai jamais demandé "pourquoi moi", et je ne demande toujours pas... pourquoi quelqu'un ?"
Il y a beaucoup de choses qui accompagnent le fait d'être malade. Au-delà du coût des traitements se cache un besoin inné de trouver un sens et un but à des difficultés apparemment aléatoires. Alors que de nombreux films donnent aux téléspectateurs une solution à leur malheur (généralement le véritable amour), les films de David Lynch ne le font pas toujours. En fait, les films post-surréalistes (qui font leur grand retour), jouent avec l'idée quelque peu nihiliste que rien ne sert à rien. Les spectateurs doivent construire des significations pour ces films, tout comme ils doivent construire un but pour leur propre vie.
Une partie de l'audio d'Eric pour son dernier album a été extraite d'un "enregistreur à microcassette dans la poche de ma chemise", comme il le dit. Il n'y avait pas de processus spécial de lavage du son. Eric a cependant un micro préféré :« Eh bien, le meilleur micro est bien sûr un [Neumann] u87, mais croyez-le ou non, j'utilise des [Shure] SM57, principalement des SM58. On me demande généralement de faire des choses pour mon son, plutôt qu'autre chose, donc je peux utiliser ce que je veux, ce qui est un luxe agréable, et je n'ai pas à dépenser beaucoup d'équipement. Je suis très minimaliste.
Premier Éric
Eric Alexandrakis a fréquenté l'Université de Miami où il a obtenu une double spécialisation en relations publiques et en littérature anglaise. Il a également obtenu une maîtrise en commerce de la musique. Mais comment cela se traduit-il par une carrière derrière le son du grand écran ?
"En sixième, j'étais le chef de file de la pièce et je jouais de tous les instruments du groupe et je faisais partie du chœur", explique Alexandrakis. Il a également commencé à jouer du piano classique à l'âge de six ans.
"Mon premier souvenir est dans mon berceau en entendant Wendy Carlos jouer du Bach", se souvient Alexandrakis.
La musique et l'imagerie ont formé une relation symbiotique innée au sein d'Alexandrakis depuis presque le début. "Je suis un personnage très créatif et je m'intéresse à peu près à tout. Je cherche toujours des réponses et je suis toujours ouvert aux questions », ironise Alexandrakis.
Des idées lumineuses
«Psychogenic Fugue est passé par plusieurs itérations avant le produit final. J'ai approché la Fondation David Lynch avec un concept [qui comprenait Sandro, John et moi] pour leur 10e anniversaire. Cela a commencé avec John déguisé en David Lynch interprétant l'une des chansons de David en direct, puis sous forme de clip vidéo, puis sous forme de scénario de rêve avec John jouant les personnages de David. Quand nous avons eu le feu vert, Sandro et moi avons effectué une mise à jour rapide de tous les films de David en une semaine. Notes d'Alexandrakis.
"J'ai fait la partition, mais nous avions aussi quelques pièces d'Angelo Badalamenti, The Flaming Lips et quelques autres également", mentionne Alexandrakis. Badalamenti est bien connu pour avoir composé la bande originale de Twin Peaks (1990). "J'adore la façon dont Sandro l'a réalisé, et bien sûr les performances incroyables de John."
«Psychogenic Fugue a été tourné à Chicago… J'ai fait la musique comme je pensais qu'un film moderne de Lynch irait, mais avec ma propre touche. Le premier jour du tournage, j'attendais à la livraison des bagages et cela faisait un bruit croustillant et rouillé, que j'ai enregistré sur mon téléphone et utilisé dans le générique de fin », commente Alexandrakis.
Qui est David Lynch ?
David Lynch est trois fois nominé aux Oscars. Il est surtout connu pour avoir réalisé des films surréalistes comme Blue Velvet (1986), Eraserhead (1977), Mulholland Drive (2001) et le début des années 90 Twin Peaks série. Plus important encore, Lynch est largement acclamé pour avoir rempli ses films de personnages qui ressemblent parfois presque à des caricatures.
Lynch explore fréquemment des thèmes comme la violence sur fond de banalité. Pourtant, son travail est plus qu'une étude des contrastes. Dans de nombreux cas, Lynch cherche sans doute à redéfinir ce que nous considérons comme la beauté, ce qui signifie qu'il remodèle simultanément la société à travers son travail. Alexandrakis fait de même.
Lynch, Malkovich, Sandro et Alexandrakis semblent tous partager un point commun singulier :ils sont des essentialistes, faisant de l'art pour l'art. Comme le dit David Lynch dans le film documentaire The Art of Life (2017), "Je pense que lorsque vous faites quelque chose, le passé peut évoquer ces idées, tout comme le passé les colore."
Alexandrakis a créé l'équivalent musical des reflets de Lynch de vastes paysages de rêve aux reflets surréalistes. Son travail est à la fois une recréation du monde tel qu'il est et du monde tel qu'on aimerait qu'il soit. La curiosité sans fin d'Alexandrakis se traduit par une partition vibrante, mais mystérieuse et choquante. Il semble souvent laisser le public avec des questions sans réponse, les mettant au défi de trouver leur propre solution.
Score pour le cinéma et la télévision
Alexandrakis a une approche unique de la musique pour le cinéma et la télévision. Plus qu'un simple solfège, il puise son inspiration dans tout :l'art abstrait, les sons de la vie quotidienne, chaque expérience et chaque personne qu'il rencontre. Son environnement est une source inépuisable d'expérimentation et d'émerveillement.
Comme le note le célèbre compositeur David Glass, « Une nouvelle langue nécessite une nouvelle technique. Si ce que vous dites ne nécessite pas une nouvelle langue, alors ce que vous dites n'est probablement pas nouveau. Alexandrakis offre au monde du cinéma un type de musique que nous n'avons jamais entendu auparavant.
Gratuit et détermination
D'une manière générale, la notation pour le cinéma et la télévision peut être assez exigeante. Alors que les monteurs de films ont souvent un calendrier prédéterminé pour épisser et réorganiser les coupes, les musiciens qui marquent des films doivent souvent le faire en seulement un mois ou deux. Une attention particulière doit être portée lorsque l'on travaille sur une série de commissions.
Lorsque vous faites de la musique pour un film, il y a quelques points à garder à l'esprit. D'une part, en tant que musicien, vous n'êtes plus la principale dame. C'est votre travail d'accentuer le rythme et les hauts et les bas émotionnels du film. Votre musique existe pour aider les gens à ressentir tout ce que les images du film sont censées évoquer. Certains de vos personnages principaux peuvent avoir une mélodie ou un air qui leur est propre. Peut-être que vous y jouerez (avec une petite variation), chaque fois qu'ils apparaîtront à l'écran. En règle générale, cela signifie que vous aurez besoin d'accéder à plus d'un ou deux instruments, et de pouvoir en jouer.
Les bases de la musique de film
Vous devrez créer des mélodies centrales pour le film, puis en utiliser différentes variantes tout au long du film. De plus, vous devrez cartographier le film et prendre de nombreuses notes sur les domaines qui nécessitent une grande attention. Vous collaborerez avec le réalisateur (et parfois les producteurs) pour vous assurer que votre produit final correspond à leur vision de l'apparence et du son du film. Lorsqu'un mouvement ne correspond pas à ce qui est affiché à l'écran, il devra être mis de côté (ou peut-être même mis à la poubelle).
L'une des choses les plus importantes à retenir lors de la notation pour le cinéma et la télévision est d'horodater vos notes. Quand commence et se termine une scène importante ? Quand commence l'apogée ? Y a-t-il des sauts de peur ou des faux-semblants qui créent de la tension ? Vous devrez écrire des articles dans les contraintes de temps très précises de ces événements.
Une autre excellente technique consiste à marquer les points de l'intrigue du film et à créer un accompagnement musical qui se déplace dans un arc simultané. Vous aurez besoin d'avoir des choses comme le tempo et les signatures clés au premier plan de votre esprit. Si vous n'êtes pas un passionné de musique, vous devrez trouver quelqu'un qui l'est, ainsi qu'une grande bibliothèque de musique libre de droits dans laquelle puiser. Un mot au sage :donnez toujours le crédit aux créateurs et vérifiez la source de téléchargement. En d'autres termes, assurez-vous que vous ne violez aucune loi sur le droit d'auteur.
Considérations finales
Eric Alexandrakis a quelques mots pour les jeunes cinéastes et étudiants en musique. « Efforcez-vous d'être extraordinaire », dit-il. "Tout le monde pense qu'ils le sont, mais le sont-ils vraiment… Aussi, digérez tout dans chaque forme d'art, apprenez le métier pour pouvoir signer vos propres accords, mettez tout par écrit, pratiquez votre métier tous les jours, ne vous installez pas dans une famille tant que vous n'êtes pas établi car vous ne pouvez pas avoir deux conjoints, ne faire pleinement confiance à quiconque jusqu'à ce qu'il gagne cette confiance, se lie d'amitié avec des avocats, ait un objectif et un plan progressif. »
En conclusion, pour Alexandrakis, la musique pour le cinéma et la télévision ne consiste pas simplement à ajouter un peu de couleur émotionnelle à un moment ou deux. "La musique n'est pas qu'un pinceau, mais elle peut être un personnage. Comme lorsque vous entendez John Williams dans Star Wars… ce sont des thèmes, mais ils sont aussi une personnalité/présence que vous ressentez dans l'action », note Alexandrakis.
Que vous soyez un créateur de vidéos avec un flair pour la comédie musicale ou non, la vie se passe contre une sorte de bande sonore - le bruit des pas d'un amant alors qu'il s'éloigne pour la dernière fois, le premier cri d'un bébé, même le son d'un Batte de baseball en bois frappant une balle lorsque votre garçon fait son premier coup de circuit. Au cours de notre vie, les sons sont vécus simultanément avec les images, et le film explore et imite à la fois cet aspect curieux de la vie quotidienne.
Fredrick Nietzsche avait raison lorsqu'il notait que « sans musique, la vie serait une erreur ». Le cinéma et la musique sont à jamais liés. Ainsi, lorsque vous créez votre chef-d'œuvre, n'oubliez pas la partition.